« Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » C’est bien cette prière du Christ en Croix qui nous vient à l’esprit chaque jour en suivant l’actualité. Euthanasie, avortement, eugénisme, affaiblissement de la famille, théorie du genre, profanations et vexations aussi perverses qu’imaginatives…. C’est bien le drame du monde actuel ! Ils ne savent pas ce qu’ils font ! Les consciences ont été anesthésiées progressivement et savamment depuis une centaine d’année. Et les fruits portent. L’immense majorité des jeunes et des moins jeunes du reste, n’a aucune base culturelle. Les fameuses humanités qui formaient les esprits ne sont plus même une vague impression dans des mémoires assaillies par la pornographie, abêties par les émissions de télévisions vide de sens. Visiter et comprendre les jardins de Versailles est désormais hermétique à l’intelligence classique des jeunes générations. Victor Hugo, Eugénie ou Gabriel Marcel, ne sont plus que des noms de rue ou de station de métro. Tout ce sur quoi la pensée doit compter pour se forger a été peu à peu banni des programmes scolaires, des salles de spectacles, des films cultes. Alors que l’on vante la libération des hommes grâce au progrès des sciences et de la scolarisation, il faudrait peut-être humblement faire amende honorable et reconnaître l’immense régression intellectuelle, non seulement de l’élite, mais aussi des masses. Les laconiques et approximatives définitions de Wikipédia ne remplaceront jamais un cours sur l’histoire de France ou une pièce de Racine. ‘Mon Peuple périt faute de connaissance’ dit Dieu au prophète Osée. Voilà bien là le drame de l’humanité aujourd’hui. Hommes et femmes ne s’élèvent guère au-delà de l’animal évolué. Mais comme le constate Aristote dans son Ethique à Nicomaque, bien des bêtes nous sont supérieures dans l’ordre physique. Il n’est que l’intelligence qui puisse distinguer l’homme de la bête. Qu’avons-nous fait de notre intelligence ? Comment en être arrivé à tenir dans une même phrase, une chose et son contraire ? Tout simplement parce que la connaissance étant le plaisir de l’âme, un homme frustré cherche ses compensations dans les plaisirs du corps, c’est-à-dire, ces plaisirs qui lui sont communs aux animaux. Le pain et les jeux ! Nous y sommes bien revenus, il n’y a pas de doute.
Mais pourquoi ? Y a-t-il un complot ? Qu’une dynamique anti-chrétienne se soit développée c’est une évidence. Et le démon n’y est certainement pas étranger. Mais cette dynamique se nourrit également de la passivité des hommes face à leur destin et du système actuel. Sans être intentionnellement contre l’homme ou contre le Christ, une économie qui repose sur la consommation a tout intérêt à ce que la personne humaine soit sans repère et insatisfaite. Car cette perte d’identité est la source des besoins compensatoires qui constituent le fond de roulement de la société de consommation. Aussi face à ce double mouvement (besoin compensatoire et démission de l’intelligence), les repères ne tiennent plus et le relativisme devient l’échappatoire illusoire d’une société qui étouffe. De là, nombre de maux importants et structurels. Le système financier vicié qui vit sur cette fuite compensatoire. Le gender qui exacerbe l’égo et alimente cette perte d’identité mortifère. Le rapport à la vie déconnecté de l’homme lui-même.
Face à cela que faire ? Que peuvent faire les chrétiens isolés, désormais réduits à une minorité ridiculisée ? Benoît XVI n’aurait-il pas voulu nous donner une piste importante d’action avec cette initiative plus ou moins bien relayée du parvis des gentils ? Comme le remarquait saint Vincent de Paul au sujet des pauvres qui l’entouraient « avant de s’occuper de leur âme, il faut qu’ils prennent conscience qu’ils ont en une. » Voilà peut-être ce qui nous incombe à tous prioritairement !
Reformer une élite chrétienne capable d’être cette lumière du monde, reconquérir la culture et l’excellence désertées par un certain misérabilisme post soixante-huitard. Sortir de l’amateurisme de l’à-peu-près. Et tant pis pour ceux qui, en retard d’une guerre, confondent égalité des chances et nivellement par le bas. Si le monde périt faute de connaissance, alors il nous appartient de lui donner ce qui lui faut pour reprendre vie.
Cyril Brun, directeur de l’OSP
Mercredi, 13 Avril 2011, 20:49