“ La société toute entière doit appartenir à des gens distingués qui, à leur esprit naturel, à leurs lumières acquises, à leur fortune, joignent un fanatisme assez chaud pour fondre en un seul jet différentes forces ” in Barrés, Les déracinés.
Il n’est pas un moment dans l’Histoire qui ne soit bouleversé dès que quelques hommes arrivent sur la scène munis d’une foi forte en un idéal. Quelle que soit la situation dans laquelle ils émergent, quelle que soit la société dont ils héritent, quels que soient les individus avec qui ils doivent frayer, tout est fracassé pour peu que leur volonté se tende et se durcisse à la faveur d’une cause puissante.
L’esprit de la Croisade enflamma la noblesse occidentale et fit des Etats Latins d’Orient pour trois siècles ; celui de la Réforme étriqua l’unité d’Europe ; les Lumières révolutionnèrent la France, et embrasèrent nombre d’esprits ; le marxisme prit d’un coup la Russie, ainsi que la moitié du monde ; le romantisme germanique hurla avec le national-socialisme, et alimenta toute une guerre mondiale ; et l’esprit de Mai, l’esprit libéral, celui des années soixante-dix, dégoulina sur l’Occident et nous sert encore la gamelle. A chaque fois, pour que tout cela fût, il y eut des hommes convaincus, certains, persuadés de la justesse de leur combat, de la nécessité impérieuse de leur engagement. Mus par une foi, ils firent mouvoir l’Histoire.
Le changement présuppose ce genre d’hommes là. Passant pour fanatiques, on les taxe d’extrémistes : mais c’est simplement qu’ils ont plus d’énergie que les autres. En une époque dans laquelle vivre demande peu, dans laquelle la vie est d’une intensité basse et compressée, d’une force tout à fait amoindrie, et surtout pas revendicatrice, que peut-on faire d’hommes dont l’énergie outrepasse la circonscription des jours calmes et médiocres ? Ces hommes sont maudits, et pour preuve : ils se font maudire. L’entourage ne leur pardonne pas leurs excès, leur nécessaire extrémisme. En d’autres temps, ils eussent été des guerriers, des amants ardents, des artistes passionnés, tout à la fois, et on les eût loué pour cela. Mais aujourd’hui ? Ils passent pour fous, et c’est tant mieux. Pourvu que quelques uns se rencontrent, pourvu qu’ils se ne se combattent pas entre eux, mais unissent leurs forces, et toute la société est renversée. Sauf à imaginer que la torpeur actuelle, la torpeur satisfaite d’elle-même, quémandeuse de sa propre médiocrité – sauf à imaginer que ces temps modernes soient les premiers à pouvoir s’immuniser contre des tels histrions, et que leur flammes, si vives soient-elles, ne pourraient rien contre la masse de flotte boueuse qui s’abattrait sur eux.
Mais il faut tabler que nos temps ne sont pas bien différents que tous les autres qui précédèrent, et qu’ils attendent simplement, endormis, que l’on vienne les remuer quelque peu. Pour se faire, il faut des hommes énergiques ; mais avant tout, pour ne pas que leur propre énergie leur retombe dessus, il faut les munir d’une foi, d’une foi forte en quelque chose qui se donnerait pour remplacer ce qu’ils se proposeraient de renverser. Il faut que leur énergie retombe sur la société, non pour l’écraser, mais pour la régénérer.
Qu’avons-nous devant nous, hommes énergiques ? Quel baume peut remplir nos cœurs ? Qu’est ce qui peut souffler sur nos âmes, au point de rendre nos corps serviles de celle-ci, et adoubée de l’onction de l’idéal ? Que nous reste-t-il à faire ? En quoi pouvons-nous croire ? Si nos êtres appellent au sacrifice, encore faut-il dresser des autels. Eh quoi ? Il y en aurait qui regimberaient ? L’humanité tranchera : d’un côté les tièdes, ceux qui préféreront toujours leurs petites chaussures aux grands chemins ; et de l’autre, comme de tous temps, les hommes énergiques, perdus dans l’immensité à la recherche d’une foi.
La voici pourtant qui se profile, cette foi : la foi en nous-mêmes, en notre soi profond, en notre être véritable, celui précisément que les temps actuels se proposent de broyer. Jeune français, jeune européen ! Ne vois-tu pas que tout disparaît ? Ne vois-tu pas que le monde se défait ? Que tout ton corps se dégrade à mesure que ton âme s’étiole ? Tu ne dois plus être boréen, tu ne dois plus être grec, tu ne dois plus être romain, tu ne dois plus être chrétien, tu ne dois plus être noble, tu ne dois plus être patriote, tu ne dois plus être sérieux, tu ne dois plus être grave, tu ne dois plus avoir de famille, ni de pays, ni d’identité. Tu dois te dissoudre dans le monde, en riant comme un demeuré, en dansant comme un sauvage, en remerciant tes maîtres, en te perdant à la recherche de mille chimères, qu’elles soient pécuniaires ou qu’elles se présentent drapées des oripeaux d’un bonheur qui ne sait que mentir.
La foi en ce que nous sommes, la foi en ce que nous héritons : la voilà notre foi !
Nous sommes une civilisation. Elle ne ressemble ni à l’oumma islamiste, ni à l’occident décadent. Elle est un sens du civisme et de la distinction. Elle est une appétence à la liberté et à la gloire, à l’amour de la beauté et au respect de la tradition. Notre foi, c’est celle de notre civilisation. Et pour elle, les hommes énergiques ont encore de quoi épuiser leur vitalité, envers et contre tout, munis de la conviction qu’ils sont on ne peut plus légitimes en des moments pareils de l’Histoire, et que celle-ci leur devra peut-être la chance de se perpétuer.
Quelle est notre foi donc, à nous, hommes énergiques ?
Notre foi, c’est nous ; notre foi, c’est à notre civilisation.
Notre Foi est en Dieu, Créateur et Sauveur du Monde !
Pour peu que les convaincus, les forts, les audacieux – les soi-disant extrémistes – se rassemblent et s’unissent, pour peu que cette foi leur embrase les cœurs, et toute la société est renversée ! Et tout le déclin est inversé ! Alors puisque l’on parle de foi, hommes énergiques, il ne reste plus qu’à prier ! Une main sur le cœur, et l’autre sur l’épée !
[Tribune de Julien Rochedy in France Idée d’Avenir]
Ernest Renan disait qu’“ Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel […] Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé ” … la France souffre, montrons au monde que, quoi que nous subissions, Ronsard aura éternellement raison : “ Le Français semble au saule verdissant : Plus on le coupe et plus il est naissant et rejetonne en branches d’avantage, prenant vigueur de son propre dommage ” …
Il faut dès à présent réunir des français libres, patriotes et dynamiques, qui ne veulent pas, en tant que bons français dire comme Malraux - “ que la France meure ”.
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