Du latin honor qui avait aussi bien la signification de « sentiment concernant la morale de quelqu’un ou d’un groupe » que de « charges administratives » ; de ce dernier sens, aujourd’hui presque disparu (briguer les honneurs), viennent un grand nombre d’expressions contenant un mot dérivé d’honneur, et se rapportant aux charges et aux titres des magistrats ou du personnel administratif (titre honorifique, la dame d’honneur, etc.), ou à la reconnaissance des qualités professionnelles de quelqu’un (les honneurs militaires, en l’honneur de quelqu’un, etc.).
Les deux sens ont d’ailleurs toujours été très liés et se sont influencé dès le latin.
L’honneur, vous le savez, c’est ce caractère acceptable, voire banal, d'un individu, d'un comportement ou d'un résultat :
Un comportement est honorable (il s'est bien acquitté d'une tache, il s'en est tiré honorablement, cette tâche est à son honneur, il est digne ...).
Cela peut se réaliser dans l'action, dans la conduite, voire dans l'abnégation ou l'abstention (ne pas s'abaisser, se déshonorer à faire telle chose, avoir le courage de ne pas réagir, ou avoir celui de supporter, etc.).
Cela peut se projeter sur la banalisation des critères de la réputation ; cette personne est honorable (bonne réputation ou seulement, ne fait pas parler d'elle, ne pose pas de problème, est bien intégrée).
Un résultat ou une défaite, peut aussi être qualifié d'honorable, notamment lorsqu'on pouvait craindre un moins bon résultat (sauver l'honneur).
Il s'agit à la fois d'une notion sociologique et culturelle, contingente :
- de la sensibilité individuelle et/ou collective (familiale ou sociétale) ;
- de la morale et des mœurs d'une époque donnée ;
- des circonstances
Les origines viriles et guerrières de l'honneur relieraient cette notion à la victoire sur le champ de bataille, dédiée aux dieux, dont on tire gloire et richesses, ou à la défaite qui, pour être honorable, doit témoigner d'une ardeur ultime, jusqu'au sacrifice de sa vie que l'on rend aux dieux pour avoir démérité.
Ces origines guerrières, qui permettaient d'obtenir un fief, une ville, un territoire, et donc un titre, que l'on transmettait à sa descendance avec les valeurs viriles qui en étaient la source, expliquent aussi qu'en Occident, l'honneur fut d’abord associé au fait d'être bien né (sous-entendu, issu de cette noblesse guerrière) et d’être ainsi capable, dans l'action, d'une grandeur pouvant dépasser les exigences du strict devoir ou de la stricte utilité. C'est ce qui a fondé les valeurs de la noblesse patriarcale (toutes origines progressivement confondues) pendant des siècles.
L’honneur, c'est un ressenti qui a à voir avec l'éthique personnelle et le sentiment du devoir, selon une conception propre ou celle de son groupe. Le sentiment d’honneur est susceptible de déterminer une conduite, un comportement social.
La conception de l'honneur en Occident peut être différemment ressentie selon les catégories sociales : l'honneur aristocratique (traditions et gloire militaire), l'honneur familial bourgeois, qui semble rejoindre l'honneur clanique (mariage), l'honneur prolétaire (honnêteté et travail), voire, l'honneur des truands (omertà et vengeance)
En 1525, au soir de la bataille de Pavie (6ème guerre d'Italie), quand François 1er écrivit à sa mère : « Tout est perdu fors l'honneur » … cela signifiait bien que l'honneur n’avait rien à voir avec les biens matériels.
Les Scouts savent placer cette notion d’Honneur dans le Cœur de Dieu : Sur mon honneur, avec la Grâce de Dieu, je m’engage …
Ou encore, rappelez-vous Gustave Aimard, dans Les Trappeurs de l’Arkansas, de 1858 […] Je suis d’une vieille race chrétienne dont les ancêtres n’ont jamais failli ; l’honneur a toujours dans ma maison été considéré comme le premier bien, cet honneur que mes aïeux m’ont transmis intact et que je me suis efforcé de conserver pur, mon fils premier-né, l’héritier de mon nom, vient de le souiller d’une tache indélébile […]
Chamfort évoque l'évolution moderne de la notion d'honneur attachée au droit chemin : « Pour ne parler que de morale, on sent combien ce mot, l'honneur, renferme d'idées complexes et métaphysiques. Notre siècle en a senti les inconvénients ; et, pour ramener tout au simple, pour prévenir tout abus de mots, il a établi que l'honneur restait dans son intégrité à tout homme qui n'avait point été repris de justice ». (Maximes et Pensées, Philosophie et morale, XLII)
Corneille, l'auteur du Cid, raconte que pour venger l'honneur de son père, le héros doit vaincre Le Comte, père de celle qu'il aime, Chimène. Mais Le Comte a lui-même de l'honneur et il voudrait éviter à Don Rodrigue une mort certaine.
La Fontaine illustre dans sa fable Le lièvre et la tortue comment l'honneur peut être dévoyé par l'orgueil ; « Elle (la Tortue) se hâte avec lenteur, Lui cependant méprise une telle victoire, tient la gageure à peu de gloire, croit qu'il y va de son honneur, de partir tard (...) ».
Montesquieu voit dans l'honneur, le ressort « qui borne la puissance » dans les États monarchistes et modérés. L'honneur « règne, comme un monarque, sur le prince et le petit peuple ». (Esprit des lois, III, X.).
Platon souligne que « le Thumos (l'une des trois parties de l'âme) est en réalité le siège du courage, du sentiment de dignité, de fierté, d'honneur ».
Voltaire souligne que l'honneur ne serait pas seulement l'affaire des honnêtes gens : « Je conçois bien qu'un scélérat, associé à d'autres scélérats, cèle d'abord ses complices ; les brigands s'en font un point d'honneur ; car il y a ce que l'on appelle de l'honneur jusque dans le crime ». (Dissertation sur la mort d'Henri IV.).
Simone Weil (philosophe française, née à Paris le 3 février 1909 et morte à Ashford le 24 août 1943 après avoir rencontré Gustave Thibon au cours de l'été 1941 et emmené ses Parents en sécurité aux États-Unis) décrit l'honneur comme un moteur de l'âme : « L'honneur est un besoin vital de l'âme humaine. Le respect dû à chaque être humain comme tel, même s'il est accordé effectivement, ne suffit pas à satisfaire ce besoin ; car il est identique pour tous et immuable ; au lieu que l'honneur a rapport à un être humain considéré, non pas simplement comme tel, mais dans son entourage social. Ce besoin est pleinement satisfait, si chacune des collectivités dont un être humain est membre lui offre une part à une tradition de grandeur enfermée dans son passé et publiquement reconnue au-dehors. » (L'Enracinement).
Pierre Billon, « La vérité est le prix de l'honneur » (Le livre de Seul)
Georges Bernanos, « La vie vaut-elle plus que l'honneur ? L'honneur plus que la vie ? Qui ne s'est pas posé une fois la question ne sait pas ce qu'est l'honneur, ni la vie » (Scandale de la vérité)
André Breton, « Les dons les plus précieux de l'esprit ne résistent pas à la perte d'une parcelle d'honneur »
Cicéron, « Le maître doit faire honneur à sa maison, et non la maison au maître »
Horace, « L'homme d'honneur n'a pas de rempart aussi sûr qu'une âme sans remords et qu'un cœur toujours pur »
Molière, « Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur, On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur » (Le Misanthrope)
Publilius Syrus, « Qui a perdu l'honneur n'a plus rien à perdre »
Beaucoup savent-ils que depuis la signature scellée par le Premier Consul le 9 prairial an X (29 mai 1802), la toute première remise de Légion d’honneur fut faite par Napoléon Bonaparte lui-même aux Officiers méritants au cours d’une fastueuse cérémonie officielle ; que la première femme chevalier fut Marie Angélique Duchemin veuve Brulon en 1851 et que le général de corps d'armée Jean Vallette d'Osia qui fut fait chevalier en 1917 à l'âge de 19 ans et décoré du grand cordon en 1978, est celui qui aura appartenu à l'Ordre le plus longtemps, 82 ans parmi les quelques 110.000 Légionnaires.
Il y a fort à croire que nos jours n’ont plus guère de notion de l’honneur quand on voit les atteintes portées au drapeau, à la famille, aux institutions, au repos sacré des cimetières, aux lieux de culte et jusqu’à la dignité des gens (avortement comme euthanasie, par exemple) ; et l’énumération pourrait être prolongée …
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