Une personne «libérale» possède la vertu de «libéralité», qui est le juste milieu entre l’avarice et son opposée, la prodigalité. Un être libéral est celui qui sait comment bien user de son argent. Son acte propre est de dépenser quand il le faut, comme et autant qu’il il le faut. Son acte le plus noble est le don. La générosité désigne en français la qualité d’une personne prompte à donner et à se donner sans compter. Mais elle désigne au sens premier l’individu de bonne famille, et même de grande famille (gens), libre par excellence, et qui se plaît à donner. Aristote disait que le sens de la propriété, c’était de pouvoir donner. Si l’on ne possède rien, que peut-on donner ? Si l’on ne donne rien, à quoi bon posséder ? Le désir d’acquérir pour acquérir est sordide, le désir d’acquisition est juste, s’il sert de moyen au don. Qui ne sait pas donner vit en esclave de l’argent. Et comme la plupart des choses sérieuses, dans la cité, comportent un aspect financier, la société libérale devrait être celle que gouvernent des généreux. Une façon de donner en même temps aux autres, à soi-même et à la cité consiste à dépenser pour faire de grandes choses. Cela s’appelle la magnificence (facere magna = faire de grandes choses). [...]
Je suppose qu’il est permis de parler de société libérale à partir du moment où l’on y rencontre une culture libérale (des arts libéraux), une éducation libérale, et un bon nombre d’individus libéraux, c’est-à-dire remplis de libéralité, débordants de générosité. Jules César, qui a détruit la République romaine pour sauver l’Empire de Rome (son hégémonie mondiale) avait reçu une parfaite éducation libérale. Aussi a-t-il écrit : «Tous les hommes aiment la liberté.» Il faudrait ajouter : tout être bien élevé ne conçoit pas la vie sans la liberté, ni la liberté sans l’harmonie comme son œuvre, sans la générosité comme son éthique, sans l’amitié comme son bonheur, et sans la grandeur comme sa mesure.
Une fois ceci rappelé, je veux bien parler de libéralisme. Je doute qu’un homme libre, je veux dire un homme libéral, ait beaucoup de goût pour les idéologies, y compris l’idéologie libérale, s’il y en a une. L’important, je crois, c’est de donner, autant qu’il se peut, au libéralisme un caractère «libéral» – au sens classique du mot."
de Henri Hude, par Michel Janva in Le Salon Beige
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